jeudi 4 janvier 2018

Gibelotte en compagnie de Montaigne (suite 10)

aire de repos :
Jésus de Nazareth a donné ses lettres de noblesse à la colère et à l’indignation. Cet homme fondamentalement bon et doux a refusé qu’on lapide la femme adultère en disant : Que celui qui est sans péché lui lance la première pierre. J’ai pensé à cette scène des Evangiles en lisant le code de vie d’Hérouxville écrit par  André Drouin dont la première version notait avec un humour voltairien : A Hérouxville, on ne lapide pas les femmes.
un péché capital
Quand Montaigne parle des vices des rois, il faut mettre cela en rapport avec les sept péchés capitaux du petit catéchisme que nous avons appris par coeur à l’école primaire. Dans le petit catéchisme de la province de Québec, on peut lire :
58. - Quelles sont les principales sources du péché ? -Les sept principales sources du péché sont l’orgueil, l’avarice, l’impureté, l’envie, la gourmandise, la colère et la paresse. On les appelle communément péchés capitaux.
63.- Qu’est-ce que la gourmandise ? -La gourmandise est un amour déréglé du boire et du manger.
64.- Quelle est la gourmandise la plus dangereuse ? La gourmandise la plus dangereuse est l’ivrognerie, qui fait perdre la raison et rend l’homme semblable à la bête. Et rend l’homme semblable à la bête, ce langage avait bien impressionné nos très jeunes années. Il boit dit Phonsine à Angélina à propos du Survenant, ce qui le condamnait à ses yeux. Dans la région des Tire-Bouchons, accuser le Littéraire d’avoir traité une gestionnaire d’alcoolique même s’il avait retiré ses propos, c’était particulièrement malveillant.
la Direction n’a jamais présenté d’excuses au syndicat
Le petit Robert dit : à jeun, sans avoir rien mangé, l’estomac vide. En anglais : on an empty stomach, être à jeun. Remède qu’il faut prendre à jeun. Pour cette analyse de sang, il faut être à jeun. Dans le Robert, dictionnaire historique de la langue française, on lit : l’expression à jeun est employée familièrement en parlant d’une personne (1846), et spécialement d’un alcoolique, qui n’a encore rien bu. Ce qui donne à la réaction de la directrice générale un début de justification. C’est une preuve d’honnêteté intellectuelle et de probité de notre part que de rappeler cette remarque du grand Robert dont nous avons pris connaissance bien après les événements. C’était évidemment une erreur et une maladresse d’employer cette expression à jeun dans une réunion où la tension était à couper au couteau. De bonne foi, nous avons exprimé nos regrets et nos excuses oralement et par écrit. Nous n’étions pas obligé de le faire. Mais la directrice, elle, n’a jamais admis devant nous qu’elle avait charrié, qu’elle s’était trompée, que son témoignage du 31 octobre 2001 ne tenait pas debout et elle n’a jamais présenté d’excuses au principal intéressé et au syndicat des enseignants. Elle n’a jamais admis que le Littéraire n’a jamais dit : Cette fois-là, vous étiez à jeun. Ce qui confirme que, pour cette Administration, les excuses devaient être à sens unique. L’exigence de civilité était donc un prétexte à censure. En sept ans, malgré ses nombreuses erreurs, cette administration n’a jamais reconnu ses torts. Quand on est imbu de soi-même et de son importance, quand on a un complexe de supériorité qui pousse à la condescendance et même au mépris, on ne se rabaisse pas à s’excuser. Mais on se croit autorisé à demander des excuses aux autres. Dans cette affaire, où était la bonne foi ?
aire de repos
la vraie gibelotte des îles de Sorel
Prenez la route 132 qui longe le fleuve Saint-Laurent et dirigez-vous vers Ste-Anne-de-Sorel. Vous y découvrirez un chapelet d’îles connues pour leur charme très particulier et leur richesse ornithologique. Ici, le décor a peu changé. Les arbres se reflètent toujours nonchalants sur l’eau qui ne connaît point de rides. Au restaurant chez Marc Beauchemin, au 124, île d’Embarras, la nappe est toujours mise, en ciré à rayures rouges et blanches et les oignons espagnols marinent toujours dans le vinaigre doux. C’est ici qu’on sert la fameuse gibelotte. Mais d’où vient-elle ? De la région de Sorel, évidemment. Il faut remonter en 1926. Une dénommée Berthe Beauchemin, femme des Îles, personnage aussi légendaire que le Survenant, présente aux côtés de son père et de sa soeur Rébecca sa toute première recette de gibelotte : ce qui, au départ, n’était qu’un plat partagé avec quelques privilégiés, devint le mets régional de Sorel. Depuis ce temps, chaque été, en juillet, le festival de la gibelotte accueille des milliers d’estivants.
La gibelotte est une sorte de soupe aux légumes : un mélange de pommes de terre, de maïs, de tomates, de carottes, d’oignons. Puis, selon la tradition des Beauchemin, après avoir fait bouillir la barbotte dans l’eau salée, on y verse la gibelotte dessus, le tout dans une grande assiette creuse. Pour agrémenter le mets, on peut servir des filets de perchaude rôtis, à part, dans une assiette. Il existe des nuances dans la préparation de la gibelotte. Mais, malgré ces subtiles nuances, ce plat continue de faire le délice des connaisseurs et de susciter la curiosité des étrangers.
Ne résistez pas à la tentation de découvrir un des beaux endroits du Québec. Faites-en votre destination pour une prochaine balade. Prolongez le plaisir par une mini-croisière dans les îles ou en assistant à une pièce de théâtre.
source du texte et de la photo: saveurs du monde.net
Lors du Moulin à paroles à Québec, à l’été 2009, on a lu des recettes. Je m’en inspire.


Recette de la gibelotte des îles de Sorel
Ingrédients pour 10-12 personnes
 450 g de lard salé, tranché
 4 oignons espagnols, hachés
 1,5 litre de bouillon de poulet
 1,5 litre de bouillon de boeuf
 2 kg de pommes de terre, coupées en dés
 125 ml de pâte de tomates
 125 ml de soupe de tomates concentrée
 125 ml de tomates rondes, épluchées
 500 ml de maïs en grain
 250 ml de pois verts
 750 ml de carottes coupées en dés
 1,5 kg de filets de perchaude ou de barbotte
 sel et poivre
 laurier, persil, thym, basilic
Progression
 1. Rincer le lard salé à l’eau froide et le faire dorer dans une marmite de 10 litres.
 2. Ajouter les oignons et laisser cuire jusqu’à ce qu’ils soient transparents. Ajouter les pommes de terre et les carottes, les bouillons et les épices, et laisser cuire de 10 à 12 minutes.
 3. Ajouter la pâte de tomates, la soupe de tomates, les tomates, le maïs et les pois. Faire mijoter 2 heures et ajouter les filets de poisson. Cuire 15 minutes.
 4. Servir avec des filets de perchaude frits, des oignons espagnols tranchés, du pain croûté et du bon vin blanc froid. Le tout précédé d’une ou deux bières froides.

Faux témoignage ne diras
Du petit catéchisme de la province de Québec, citons, pour mémoire, au cas où cela pourrait nous servir, le huitième commandement de Dieu : Faux témoignage ne diras, ni mentiras aucunement qui nous ordonne de dire toujours la vérité, et de respecter l’honneur et la réputation du prochain. Et que défend le huitième commandement ? Le huitième commandement défend le faux témoignage, la médisance, la calomnie et le mensonge. Qu’est-ce qu’un faux témoignage ? Un faux témoignage est une déposition contraire à la vérité, faite devant les tribunaux. Un témoin peut ne pas dire la vérité par manque de mémoire. Il peut aussi déformer involontairement les paroles ou les faits. Un témoin peut se tromper de bonne foi. Un témoin peut aussi volontairement déformer des paroles pour incriminer quelqu’un. Il peut être de mauvaise foi. Il peut carrément recourir au mensonge et à la tromperie. Mentir, c’est dire autre chose que ce que l’on sait être vrai. Cela est possible. Cela existe. Cela s’est déjà vu. Et cela peut être grave et conduire à des erreurs judiciaires. La falsification et la conscience de la falsification, c’est-à-dire le mensonge, cela existe. Si quelqu’un a besoin de recourir à une fabrication ou s’il y a des erreurs dans sa version de ce qui s’est dit, n’est-ce pas un signe que sa cause n’est pas fondée ? Faux témoignage ne diras, ni mentiras aucunement est un commandement qui ordonne de dire toujours la vérité surtout dans un contexte judiciaire. Vous savez de quoi je parle.
pour dédramatiser
Voici ce que Montaigne raconte.
Le monde n’est que variété et dissemblance. Les vices sont tous pareils en ce qu’ils sont tous vices (...). Mais ils ne sont pas égaux. (...) L’ivrognerie me semble un vice grossier et brutal. (...) Je n’eusse pas cru d’ivresse si profonde, étouffée et ensevelie, si je n’eusse (su) ce que m’apprit une dame que j’honore et prise singulièrement, que près de Bordeaux, vers Castres où est sa maison, une femme de village, veuve, de chaste réputation, sentant les premiers ombrages de grossesse, disait à ses voisines qu’elle penserait être enceinte si elle avait un mari. Mais, du jour à la journée croissant l’occasion de ce soupçon et enfin jusques à l’évidence, elle en vint là de faire déclarer au prône de son église que, qui serait content de ce fait, en l’avouant, elle promettait de lui pardonner, et, s’il le trouvait bon, de l’épouser. Un sien jeune valet de labourage, enhardi de cette proclamation, déclara l’avoir trouvée, un jour de fête, ayant bien largement pris son vin, si profondément endormie près de son foyer, et si indécemment, qu’il s’en était pu servir sans l’éveiller. Ils vivent encore mariés ensemble.  (Montaigne, Essais, II, 2, De l’ivrognerie)
Prière de ne pas y voir un désir inconscient : un peu de sérieux, s’il vous plaît !

aire de repos

« La liberté d’expression est à la vie démocratique ce qu’est l’oxygène au corps humain : essentielle », écrit le juge André Rochon pour la Cour d’appel en avril 2010.
Au collège Germaine-Guèvremont, on a manqué d’oxygène.
commentaire
…les répétitions et les allers-retours d'un récit au caractère visiblement obsessionnel traduisent la dimension tout intérieure ou subjective de cette histoire vécue de harcèlement et d'hostilité…


Et les crapauds chantent la liberté.  (Félix Leclerc)
J’entends les cris de l’engoulevent, j’observe son vol lointain dans le ciel d’un soir d’été, les lumières s’allument sur le parc Robin, non loin de la rue Wolfe,  il est temps de mettre fin aux jeux, balançoire et château de sable et de rentrer à la maison de mes grands-parents italiens, où le vin fermente dans deux gros barils, ma petite main droite serrée dans la douce main gauche de ma mère. J’ai quatre ans et je suis heureux. Je suis conscient du temps qui passe et un peu inquiet du cri rauque de l’engoulevent dans le soir qui tombe. J’ai peur des poules en liberté chez mon cousin Marcel Trifiro qui joue de l’accordéon. En croquant une carotte, je regarde de la galerie du deuxième étage, sur la rue St-Catherine, la boule illuminée et fascinante sur le toit de la pharmacie Montréal qui tourne sans cesse. Antonio, mon grand-père piémontais, chapeau sur la tête, comme chaque jour, lit son journal et ça sent bon, ma grand-mère sicilienne Teresa Guastella fait sa sauce spaghetti avec des pourpettes.   
aire de repos
la vie à Ste-Anne-de-Sorel dans l’ancien temps selon Walter S. White
1885. Décembre. A une assemblée municipale, il fut proposé par le conseiller Pierre Salvaille, secondé par le conseiller Michel Péloquin que vu l’exécution injuste et arbitraire de notre compatriote Louis Riel, autorisée par le Gouvernement de Sir John Macdonald, le 16 novembre dernier, ce conseil proteste énergiquement au nom de tous les citoyens de Ste-Anne-de-Sorel.
1888. Octobre. M. Pierre Péloquin a tué 219 canards en 5 jours la semaine dernière.
1890. Mars. Les prix de notre marché ont considérablement varié depuis quelques semaines. Ainsi le bon beurre se vendait samedi 12 cents la livre contre 20 cents que l’on payait il y a quelques semaines. Il s’est même vendu d’excellent beurre salé pour 10 cents la livre. Les oeufs se vendent depuis 12 1/2 à 15 cents la douzaine et les patates de 45 à 65 cents le minot. 
1894. Avril. M. P. Péloquin l’ancien garde-chasse de Ste-Anne a abattu en trois jours 88 canards sauvages dont 60 noirs. C’est une chasse vraiment extraordinaire.
1895. Avril. M. Charles Paul de Ste-Anne-de-Sorel vient d’être nommé garde-chasse pour les comtés de Yamaska et Richelieu.
1895. Septembre. Le téléphone est maintenant installé entre Sorel et Ste-Anne-De-Sorel et les boîtes se trouvent à l’hôtel Houde et au presbytère.
1898. Mars. Les autorités municipales de la paroisse Ste-Anne-de-Sorel ont passé un règlement prohibant la vente de liqueurs enivrantes dans la limite de cette paroisse. Les conseilleurs méritent des félicitations pour cet acte car on n’a certainement pas besoin d’hôtel dans une paroisse qui ne se trouve qu’à deux milles de la ville de Sorel.
1900. Juin. Les pêcheurs des îles de Sorel et de Ste-Anne ont expédié plus de 10,000 livres de poisson mercredi soir à Montréal et à Québec par les bateaux de la Cie Richelieu.
1906. Octobre. La loi concernant la chasse est audacieusement violée de ce temps-ci aux îles de Sorel. On chasse le canard la nuit comme le jour bien que la loi défende de tirer sur ces gibiers depuis le coucher jusqu’au lever du soleil. Quand va-t-on faire observer la loi ?
1920. Août. Le Nina L. - Samedi après-midi, on lançait les chantiers de la Sorel Transportation and Shipbuilding Co. Ltd, une superbe goélette à quatre mats d’une longueur de 188 pieds, d’une largeur de 36 pieds, et de 17 pieds de profondeur. La marraine était Mme Jos. Simard. 
1932. Janvier. Les Fonderies Beauchemin achetées par M. Jos. Simard deviennent Sorel Steel foundries Ltd.
1933. Février. La coupe de glace est commencée et les blocs de glace mesurent de 24 à 30 pouces d’épaisseur. La provision de glace devrait être suffisante pour l’été prochain.
1935. Décembre. Inauguration de la lumière électrique dans l’église.
1937. Juin. La grève qui durait depuis un mois dans les usines de Sorel Steel Foundries Ltd., Sorel Mechanical Shops et les Chantiers Manseau Ltée est terminée.
1944. Avril. Le traversier Le Sorelois fait maintenant la navette entre Sorel et St-Ignace, à la grande satisfaction des voyageurs et ouvriers des îles qui travaillent dans nos industries.
1955. Octobre. Un important quotidien de Toronto a rendu un hommage bien mérité au génie créateur des frères Joseph, Edouard et Ludger Simard qui sont les piliers de l’industrie lourde locale. Sorel, grâce aux frères Simard, possède des industries uniques au monde entier ; cet accomplissement est dû à trois canadiens-français originaires de Baie St-Paul. Nous sommes fiers de les compter comme paroissiens.
1957. Juin. Un film sera tourné sur la vie de Germaine Guèvremont, auteur du Survenant et de Marie-Didace. Madame Guèvremont a maintenant sa résidence permanente dans les îles de Sorel.
1967. Août. Le 24 dernier avaient lieu les obsèques de madame Germaine Guèvremont. (...) Nous avons un bon souvenir d’elle dans l’émission télévisée Le Survenant.(qui a duré 8 ans).(...) Elle allia à une grande simplicité une grande curiosité pour tout ce qui n’était pas elle-même. (...) Au début de l’été, on avait vu d’elle L’adieu aux îles. Cet adieu était un avertissement. Elle ne devait jamais y retourner à moins que les âmes puissent, une fois délivrées de leur corps, circuler dans le temps et l’espace.
(Walter S. White, Le Chenal du moine, une histoire illustrée, 1976, Les Editions Beaudry & Frappier)
Anvant ou monté bois,
gadé si ou capab descenn li.
(Avant de grimper à un arbre,
assure-toi de pouvoir en descendre.)
En voyage au lac St-Jean, les hôtes du gîte A la ferme Hébert nous ont appris une expression qui décrit certains parvenus de St-Félicien. Autour du parc Lafontaine à Montréal, on parlait de ceux qui pètent plus haut que le trou. Au lac St-Jean, en se référant à certaines personnes de St-Félicien, les bleuets parlent de hautepéteuterie et même de superhautepéteuterie. La hautepéteurerie. ça existe dans gtoutes les régions du Québec, y compris Sorel-Tracy.
J’entends les cris de l’engoulevent, j’observe son vol dans le ciel d’un soir d’été, les lumières s’allument sur le parc Robin, il est temps de mettre fin aux jeux et de rentrer à la maison de mes grands-parents italiens, ma petite main droite serrée dans la douce main gauche de ma mère. J’ai quatre ans et je suis heureux.  

épilogue
En lisant Les Illusions perdues, roman d’Honoré de Balzac où abondent les portraits de personnages, il est venu deux idées à l’auteur qu’il croit opportun de partager avec le lecteur en guise d’épilogue. Notons ces deux définitions du petit Robert du mot épilogue : remarque exposant des faits postérieurs à l’action et destinée à en compléter le sens ; dénouement (d’une affaire longue, embrouillée).
La première remarque est un retour sur une citation de Montaigne que nous avons choisie dans un moment de colère : la méthode de harcèlement de notre adversaire, est un vrai témoignage de l’humaine imbécilité, pour dire que ce que nous avons appelé avec une certaine grandiloquence de la pensée unique ou du fanatisme est peut-être, plus simplement, ce que Balzac appelait de la bêtise en décrivant une grande dame de province, madame de Bargeton qu’il qualifiait aussi ironiquement de reine et de souveraine. Quand il n’était pas d’accord avec le comportement provincial de madame de Bargeton, Balzac, exaspéré, parlait de sa bêtise. Il nous est arrivé de le penser à propos de notre adversaire. A l’époque où existait une aristocratie, entre hommes, un duel lavait une offense. De nos jours, quand on se croit victime d’une insulte ou qu’on se sent menacé dans sa fonction ou qu’on veut exercer une vengeance politique et qu’on est une grande dame qui fait partie de la hautepéteuterie de sa petite ville, on appelle son avocat surtout quand on sait qu’on n’aura pas à en assumer personnellement les frais. C’est une caractéristique d’une certaine classe sociale. Ce n’est pas brillant mais ce n’est pas nécessairement de la bêtise. Ça dépend du point de vue. Balzac aurait dit de cette bourgeoise infatuée qu’en femme exagérée, elle exagérait la valeur de sa personne. Jane Austen aurait écrit qu’elle avait beaucoup d’admiration pour sa personne. Elle aurait dit aussi qu’en femme accomplie, rien ne devait lui résister. Dans Pride and Prejudice, Lady Catherine de Bourgh qui est aussi une dominatrice, subit la défaite : sa fille ne marie pas Mr. Darcy. 
Deuxième remarque de conséquence du point de vue des rapports entre les mots et la réalité. La distance dans l’espace et l’éloignement dans le temps nous ont donné cette étrange impression que le portrait que nous avons tracé de la directrice a créé un personnage fictif assez séduisant qui s’est exprimé dans des Confidences. Comment ne pas être séduit par une femme mûre qui reconnaît en partie ses torts et qui ne menace plus de nous poursuivre. Même si c’est un personnage fictif qui est certainement différent de l’original. Toutes les parties du livre mettent en scène des personnages que l’absence de noms propres a rendus presque fictifs (ce qui ne veut pas dire qu’ils ne nous parlent pas de la réalité) et dont le présent est si loin de ce passé pourtant récent qu’ils en sont devenus comme les acteurs d’une pantomime dont on cherche le sens dans la tristesse du souvenir de nos amis Daniel Lussier et Lise Latraverse  aujourd’hui disparus.
Vieux-Longueuil, décembre 2004- septembre 2017
Le Littéraire,  voyageur de Charlevoix ayant mis le point final à son livre, après 40 ans d’enseignement dont 36 au même collège et quatorze ans de réflexion et d’écriture, s’est senti désinstitutionnalisé, c’est-à-dire, libre comme les prisonniers sortis de prison du film The Shawshank Redemption, libre du poids de certains éléments hostiles d’une région et libre d’aimer cette région à travers des ami(e)s et à travers l’affection qu’il porte au père Didace et aux deux romans qui n’en sont qu’un, si riches en humanité, de Germaine Guèvremont : Le Survenant et Marie-Didace qui sont des chefs-d'oeuvre dignes de figurer dans le panthéon de la littérature universelle.
aire de repos
Le samouraî parle. Le samouraï dit : 
Ma Voie est fondée sur la loyauté, la justice et l’honneur. Mon idéal est l’esprit martial dans l’affrontement sans peur de l’ennemi dans la bataille. En toutes circonstances, droiture, honnêteté et surtout contrôle de soi. Mon art consiste non pas à vaincre les autres mais à ne pas être vaincu. Ma passion pour la franchise n’exclut pas la ruse mais rejette le mensonge ; elle a sa source dans le courage, mais aussi dans le besoin de limpidité, de pureté, d’harmonie et de cohérence. Tout ce qui entache cet état est déshonorant. 
Ainsi parla le samouraï.

Et quand personne ne me lira, ai-je perdu mon temps de m’être entretenu tant d’heures oisives à pensements si utiles ? (Montaigne)
Je crois finalement qu’écrire fait partie de la liberté d’expression. On a le droit d’écrire comme on a le droit de parler. Quand on écrit, on ne fait taire personne. (Jacques Ferron)
Notre vie est partie en folie, partie en prudence. Qui n’en écrit que révéremment et régulièrement, il en laisse en arrière plus de la moitié. (Essais, III, 5)
Mais, me direz-vous, il ne s’agissait que d’une misérable petite affaire ! Oui, bien sûr, vous avez raison, mais tout est relatif. Moi, j’en faisais une grande affaire et, comme elle me concernait, mon jugement prévalut. (Jacques Ferron, Appendice aux Confitures de coings, Parti pris, 1972)
aire de repos
Réponses de Claude Gauvreau au questionnaire Marcel Proust: on appréciera l'humour souverain de Claude Gauvreau.
Votre qualité préférée chez l’homme ? Par-dessus toute chose, en tout, j’estime l’authenticité.
Votre qualité préférée chez la femme ? Quitte à friser le pléonasme. je dirais que ma qualité préférée chez la femme c’est la féminité.
Votre vertu préférée ? L’obstination.
Votre occupation préférée ? Ecrire.
Le principal trait de votre caractère ? L’implacabilité.
Ce que vous appréciez le plus chez vos amis ? La compréhension. J’en arrive à l’âge où, longtemps méconnu et incompris et dénigré, j’ai besoin de goûter à un peu d’admiration.
A cause d’un vieux pli pervers, je suis toujours étonné qu’on me fasse confiance mais, chaque fois, c’est un des beaux et bouleversants moments de l’existence.
J’apprécie la franchise, l’absence de ruse, la spontanéité.
Ce que je déteste par-dessus tout ? J’ai en horreur les calculateurs, les exploiteurs, les tacticiens roués, les adeptes de l’extorsion, les arrivistes, les opportunistes, toutes les formes de l’inauthenticité.
Etat présent de mon esprit ? Je suis combatif, imaginatif, extravagant, optimiste.
Extrait de : Quand les écrivains québécois jouent le jeu, présenté par Victor-Lévy Beaulieu, Editions du Jour, 1970. 
Le poète et dramaturge Claude Gauvreau s’est suicidé en juillet 1971. Il avait quarante-cinq ans. C’est infiniment triste.
aire de repos
Les abeilles pillotent de çà, de là, les fleurs, mais elles en font après le miel qui est tout leur ; ce n’est plus thym ni marjolaine. (Montaigne, Essais, 1, 25)
Gagner une brèche, conduire une ambassade, régir un peuple, ce sont actions éclatantes. Tancer, rire, vendre, payer, aimer, haïr, et converser avec les siens et avec soi-même doucement et justement, ne relâcher point, ne se démentir point, c’est chose plus rare, plus difficile, et moins remarquable. Chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition. De fonder la récompense des actions vertueuses sur l’approbation d’autrui, c’est prendre un trop incertain et trouble fondement. Il n’y a que vous qui sache si vous êtes lâche et cruel, ou loyal et dévotieux : les autres ne vous voient point, ils vous devinent par conjectures incertaines ; ils voient non tant votre nature que votre art. Par ainsi, ne vous tenez pas à leur sentence, tenez-vous à la vôtre. (Essais, III, 2)
Crois-tu que de vivre dans le conflit t’apportera le bonheur ? (Philippe dit le Chat Barberis)
Conclusion: de l'insoumission, condition de la liberté
(la fin du règne d'une libérale sur une région)
Chaque homme porte la forme entière de l'humaine condition (Montaigne)
Fallait-il s'excuser de notre compétence!
Avec cruauté, par des menaces diverses, elle refusa à cet enseignant le droit de dire je, droit qu'il dut reconquérir.

Pendant que d’autres parlaient de mondialisation, au lieu d’être accablés par cet universel naufrage du monde (Montaigne), nous étions engagés modestement, nous les machos et les misogynes, dans la défense de sept femmes, sept employées de la cafétéria menacées de perdre leur emploi par la privatisation. Nous faisions aussi la promotion de la qualité des aliments servis aux élèves. Nous étions engagés dans la défense du syndicat des enseignants dont l’existence même était en jeu. Nous nous battions aussi pour la liberté d’expression. Luttes modestes mais luttes nécessaires. Au niveau local.  
Certes nous étions conscients des problèmes mondiaux comme la protection de l’environnement, la faim dans le monde, la menace terroriste que fait planer sur la planète le radicalisme islamiste d’Al Quaeda, la situation d’exploités et de dominés de millions de femmes, d’enfants et d’hommes, la poudrière du Moyen-Orient où la création d’un Etat palestinien est toujours remise à plus tard, en somme tout ce qu’on voit aux nouvelles télévisées tous les jours. Ces graves questions faisaient évidemment paraître moins importantes nos préoccupations d’enseignants. Mais conscience planétaire et soucis quotidiens de santé et de travail coexistent chez la plupart de nos contemporains. La vie quotidienne des enseignants est faite de soucis bien ordinaires de nombre d’élèves dans nos classes et de discipline, de contenus de cours, d’horaires étirés, de liberté académique, d’évaluation par compétences, de médiocres rivalités entre collègues et de réunions convoquées par des cadres qui cherchent à s’occuper. Par ailleurs, la vie syndicale s'intéresse aux baisses de clientèle, à la répartition équitable des ressources, aux conflits interpersonnels, aux programmes à sauvegarder et aux conditions de travail plus ou moins décrétées par le gouvernement qui refuse de négocier. Il aura fallu mêler Montaigne à nos querelles pour élever le niveau des débats et les civiliser. Plusieurs citations de cet écrivain unique ont fortement irrité nos opposantes. Mais c’est grâce à Montaigne, maître de résilience, que nous avons résisté à nos adversaires, que nous avons défendu la liberté d’expression et que nous avons combattu avec un certain panache, nous semble-t-il, ce qui nous ramène à Cyrano de Bergerac qui nous a inspiré et dont nous admirons la faconde.
Sa Majesté de Ste-Anne-de-Sorel savait que nous n’étions pas d’accord parce que nous ne nous gênions pas de le dire et de l’écrire ( elle avait ses courtisans, ses espions et ses agents-doubles qui cherchaient des avantages et que nous connaissions). Il fallait vraiment qu’elle vive dans sa bulle pour croire qu’elle réussirait à nous casser en exigeant de nous des lettres d’excuses ou des engagements de bonne conduite. Que voulait-elle au juste ? Ce n’est pas compliqué : pour assouvir sa passion tyrannique, elle voulait notre soumission. Elle voulait abattre notre esprit d’indépendance. Elle voulait régner sans opposition. Narcissique et égotiste, elle voulait le pouvoir absolu en annihilant toute opposition et en brimant la liberté d’expression par ces constantes brimades qu’on appelle du harcèlement. 
Faisant partie de la hautepéteuterie* de sa ville, elle s’attendait à notre soumission et elle l’avait obtenue de l’exécutif syndical qui nous avait précédé quand, après un repas bien arrosé dont elle a payé l’addition, utilisant son charme irrésistible, elle obtint 4.2 ETC (équivalent temps complet) pris dans l’enveloppe réservée à l’enseignement, ce qui veut dire, en clair, quatre enseignants en moins pour accomplir l’ensemble des tâches d’enseignement dans un collège qui compte  82 enseignants. Cette servitude volontaire nous a profondément irrités. Quand nous avons été élus à l’exécutif, ce fut une autre histoire. Nous sommes allergiques à la soumission et à la servilité. L’ayant constaté, et s’imaginant toujours avoir droit à notre soumission, elle entama deux poursuites en diffamation et elle commit plusieurs gestes d’abus de pouvoir et de harcèlement contre le Littéraire qui ne sont pas anodins et dont le caractère vexatoire n’a pas échappé à certains qui ont dit après avoir pris connaissance du dossier : Ça n’a pas dû être facile ! Elle frappait sans avertissement. Obnubilée par le pouvoir ou par l’argent comme tous les parvenus libéraux, elle se croyait tout permis avec un sans-gêne effronté. Montaigne l’a bien décrite dans les lignes suivantes :
En celle qui est enivrée de cette intention violente et tyrannique, on voit par nécessité beaucoup d’imprudence et d’injustice ; l’impétuosité de son désir l’emporte ; ce sont mouvements téméraires et de peu de fruit.
De peu de fruit en effet sinon de nous avoir donné l’occasion de gagner une longue bataille et de mieux comprendre et d’apprécier l’incomparable Montaigne, ce qui n’est pas rien. Nous terminerons par une autre citation de l’auteur des Essais, sans fausse modestie :
Quelle plus grande victoire attendez-vous que d’apprendre à votre ennemi qu’il ne vous peut combattre ?
Elle aimait répéter : Pendant que moi, je fais du développement pour le collège, eux. ils ne font rien d’autre que critiquer et me mettre les bâtons dans les roues. Vous savez maintenant que cette vue simpliste était fausse. Elle avait tout prévu sauf que le Directeur des études la laisserait tomber en se trouvant un emploi ailleurs ; pour parler ironiquement, il a alors manqué à son devoir de loyauté. Il a cessé d’être soumis et de faire la belle devant sa souveraine. Elle avait tout prévu sauf cette trahison et celle du Conseil d’administration qui refusa de poursuivre le syndicat pour une troisième fois. Elle n’avait pas prévu notre pugnacité et notre ténacité dans la volonté de faire du conflit une lutte collective gagnée par un syndicat qui s’est tenu debout parce que l’ensemble des enseignants ont compris les enjeux et ont été solidaires.
La liberté syndicale et la liberté d’expression étaient menacées. Devant un pouvoir dominateur, ou tu cèdes ou tu résistes. Que serait-il arrivé si nous lui avions laissé faire ses quatre volontés même si l’expérience a démontré comme se plaisait à le répéter le Politique qu’elle n’avait pas de limites allant, par exemple, jusqu’à demander à la conseillère en orientation, dans un chantage sans précédent, de renoncer à sa permanence et à devenir temps partiel à contrat pour le bien du collège.
Si nous l’avions laissé faire, nous aurions pu enseigner en paix sans nous faire espionner et sans que nos classes ne soient envahies par des cadres féminines munies de questionnaires piégés. L’Adjointe aux programmes (Louise K.) serait devenue Directrice des études ce qui n’aurait pas été dramatique. Les Conseils d’administration harmonieux terminés où toutes les propositions de la Reine auraient été adoptées à l’unanimité, nous aurions vidé les bouteilles de vin ensemble en dégustant quelques morceaux de pain français avec du bon pâté de campagne, du savoureux fromage d’Oka et quelque fine pâtisserie suivie d’un bon café. Nous nous serions quittés en nous donnant l’accolade et nous aurions emporté avec nous l’odeur capiteuse de son parfum comme l’écrivait Baudelaire de la Circé tyrannique aux dangereux parfums jusqu’à rendre notre femme jalouse. Il n’aurait pas été question de lettres d’excuses, ni de diffamation et d’atteinte à la réputation, ni de Conseil de discipline ou de Cour supérieure ni de griefs ou de plainte au Tribunal du travail, ni de mises en demeure, ni d’avocats et de huissiers. La cafétéria aurait été privatisée et peu importent les conséquences sur la qualité des aliments et la sécurité d’emploi des employées. La tâche des enseignants aurait augmenté parce que des ressources réservées à l’enseignement auraient été détournées ou, si vous voulez employer un euphémisme, réorientées. Sa Majesté aurait éprouvé une grande douceur à régner et nous aurions eu le contentement béat qu’apportent des relations harmonieuses avec l’Autorité et le Pouvoir. Nous aurions pu dormir en paix dans la quiétude que donne la soumission. Le directeur des ressources matérielles, de la formation continue et de l’International nous aurait invité à visiter sa cave à vins à Boucherville, ce qui nous aurait donné l’impression d’appartenir au même monde que ceux et celles qui veulent qu’on les admire à cause de leur carte de crédit Or.
Renonçant à tous ces avantages et bien d’autres, nous avons préféré l’insoumission et la liberté. Nous avons préféré donner aux jeunes et à une région l’exemple d’un vrai syndicat qui sait se tenir debout et se bat pour la liberté d’expression et la démocratie afin que l’argent ne soit pas le premier facteur qui influence toutes les décisions. Nous avons décidé de rester libres et nous n’avons aucun regret. Nous avons combattu la censure avec succès malgré deux poursuites-bâillons. C’est pour nous un sujet de fierté. Et nous avons tenu mordicus à ce que notre aventure soit imprimée noir sur blanc pour qu’elle ne soit pas oubliée. Tout en insistant pour que sa dimension politique ne soit pas occultée.
Tel est notre témoignage. 
Ce témoignage est complet et comporte certaines répétitions comme des variations sur un même thème pour que le message soit bien compris. En espérant que vous avez trouvé la gibelotte savoureuse et les fragments de la mosaïque complémentaires.
Le Littéraire 
Vieux-Longueuil, 23 mai 2009- 16 septembre 2017
 J’entends les cris de l’engoulevent, j’observe son vol dans le ciel d’un soir d’été, les lumières s’allument sur le parc Robin, il est temps de mettre fin aux jeux et de rentrer à la maison de mes grands-parents italiens, ma petite main droite serrée dans la douce main gauche de ma mère. J’ai quatre ans et je suis heureux.
la fin du règne de Françoise première  
Voici le courriel que l’Ingénieur Paul M. a envoyé au Littéraire, le 5 juin 2008 :
Bonjour. Juste pour dire que le journal local nous informe cette semaine que le CLD (Centre local de développement) avait élu un nouveau président qui remplace Sa Majesté qui détenait ce poste depuis huit ans. C’est la fin du règne de Françoise première sur notre région.
La Reine fut absente à la fête du 40è anniversaire (1968-2008) du collège à laquelle elle a été invitée par un téléphone personnel de l’actuelle directrice. L’excuse officielle : elle attendait de la visite ce jour-là. Le 3 septembre 2008, le collège publia un album de souvenirs très bien fait qui contient de nombreuses photos et qui fut lancé à l’occasion de cette Fête du 40è anniversaire du collège. Le chapitre sur le département d’Arts et Lettres est particulièrement bien écrit : le Grammairien, qui a un côté stendhalien, en est l’auteur.
En quarante ans, trois personnes ont occupé la direction générale. Devant environ cent vingt-cinq personnes triées sur le volet réunies dans l’auditorium, l’élite de la région quoi, alors que la mention des noms des deux autres directeurs fut applaudie chaleureusement, pendant la présentation d’un diaporama, la mention du nom de Françoise R., celle qui était absente et qui fut directrice générale de 1997 à 2004 fut accueillie par un grand silence : pas le moindre applaudissement ne fut entendu. Ce fut un grand silence. Assourdissant.
Faisons une pause pour réfléchir à la signification de ce silence. Comprenons ce qui s’est passé ce jour-là.
Une voix accompagnant le diaporama a fait une transition entre le premier directeur général (29 ans) et, Sa Majesté, la deuxième directrice générale (7 ans) en disant :
"Du cinéma muet à la guerre des étoiles"
qui voulait souligner les achats d’ordinateurs de la directrice et la salle de vidéo-conférence qu’elle fit construire. 
Le mot guerre est la seule allusion au long conflit dont traite ce livre puisque l’album de souvenirs n’en parle pas. La pudeur du Grammairien dit le Courtisan est sans limites. Et c’est sans doute une allusion involontaire et humoristique que d’appeler son règne la guerre des étoiles où le mot clef est le mot guerre. Le silence accompagnant la mention de son nom est un autre signe de la fin du règne de Françoise première sur la région.
la solidarité et la résilience ont gagné
défendre le statu quo, c'est faire de la politique
Les fédéralistes, quand ils attaquent les indépendantistes, font souvent de la politique en hypocrites
Dialogue entre l’Irlandais et le Littéraire
L’Irlandais Pierre Girouard, (G) professeur d’anglais : Le Littéraire Robert Barberis, (B) professeur de littérature :
G. : Au Conseil du 19 juin 2001, elle a trop réagi,  she overreacted
B. : Elle était énervée à cause de la proposition de me suspendre du Conseil qu'ils se préparaient à faire suite à un point à l'ordre du jour ajouté le soir-même. Quand je l’ai accusée de ne pas avoir tenu une promesse d’acheter des ordinateurs pour Arts et Lettres, lors d’un accueil du personnel avec bière et vin, elle a vu rouge. Le rouge, c’est sa couleur préférée. 
G. Pour le procès, elle a  inventé des mots que tu n’as pas dits. Je sais ce que tu as dit, j’étais là.
B. Nous étions en guerre. Il s’agissait de prendre l’autre en défaut pour le traîner en Cour. C’est au moment de cette fabrication que j’ai commencé à les haïr. C’était un mensonge pur et simple. Je n’ai jamais dit : Cette fois-là, vous étiez à jeun.  
G. Tu n’aurais jamais dû dire vous étiez à jeun. Comme si cette promesse qu’elle avait faite était une promesse d’ivrogne.
B. Je l'admets mais les mots  m’ont échappé. Dans un cas comme celui-là, on retire les paroles et on s’excuse. C’est ce que j’ai fait. Je n’ai jamais pensé qu’elle traduirait mes propos par l’expression pourtant courante de promesse d’ivrogne.
G. Tu as sans doute touché un point sensible.
B.  Sans aucun doute.   Une femme qui fait beaucoup de social a l’habitude de lever le coude. Y a rien là. Moi aussi, j’aime bien lever le coude. La preuve, ce soir alors que nous faisons une dégustation de toutes les bières que nous aimons.
G. Ce soir-là de juin 2001, au Conseil, la tension était à couper au couteau.
B. De toutes façons, au royaume des tire-bouchons, est-ce que cela avait tellement d’importance ? C’était un prétexte pour me planter. J’ai fait une erreur. Elle en a profité. Point à la ligne, comme dirait le professeur de physique Bernard Lapointe, dit Einstein. Il disait aussi : en sus et elle avait le gros orteil trop sensible. J’aimais bien Einstein. Un matin, j’allais quitter ma voiture stationnée et il m’avertit que mes lumières étaient allumées. 
G. L’inconscient, c’est un terrain glissant. Tu n’es pas Freud ni Dostoievski.
B. Non et elle n’est pas Carson Mac Cullers ni Lady Catherine de Bourgh.
G. The Heart is a Lonely Hunter.
B. Le coeur est un chasseur solitaire. Ce qu’on pense d’elle, est-ce si important ? Montaigne écrit : Je ne présume les vices qu’après les avoir vus. Or, je n’ai rien vu. Comme ma femme aime à le répéter: je suis un auditif pas un visuel.  Et si j’avais vu quelque chose ou s’il y avait eu quelque chose à voir, je n’aurais pas joué avec ça. J’aurais été discret. Je n’attaque jamais les administrateurs à partir de leur vie personnelle. Ça ne se fait pas.
G. Une femme accédait au pouvoir après trente ans de grisaille. Nous aurions pu être bien disposés à son égard et lui donner la chance au coureur.
B. En effet, nous étions prêts à le faire mais elle se comporta dès le début comme une adversaire. Avec notre ami Daniel Lussier et avec moi avec son histoire de plainte. Dès le début, elle nous a sous-estimés en voulant nous intimider. C’était la seule chose à ne pas faire et elle l’a faite. Une fois, après un conseil d’administration, elle m’a invité avec d’autres membres du Conseil, à un goûter. J’ai refusé. J’aurais pu dire oui et faire la paix avec elle. Mais, elle avait commencé dans l’hostilité. Tant pis pour elle. Alors, j’ai refusé de fraterniser ; j’ai préféré garder mes distances.  
G. Le regrettes-tu ? On dirait que oui.
B. Non, pas du tout. Je ne suis pas jovialiste. Elle a choisi l’affrontement. Comme la clique libérale l'y poussait.  
G. Je sens que tu faiblis  mon frère. Tu as l'air d'aimer la chicane, tout le monde le dit, et pourtant tu préfères les rapports humains harmonieux.  Ressaisis-toi. Une Sluman dorée, une Stella d’Artois, une Corona, une Moretti, une Jubilator de Schultz, une Harp irlandaise partagées, avec des croustilles Lays, c’est assez de dégustations pour ce soir. Allons chez Four à bois Gimaro manger une bonne pizza toute garnie pâte mince croustillante.
B. Nous avons refusé de nous laisser séduire. Les féministes de la Fédération autonome avaient raison. Admettons-le : nous sommes des machos et des misogynes. Surtout toi, l’Irlandais.
G. I’ll drink to that, personne n’a jamais douté de ma virilité.  
B. Tu te vantes ! Tu fais le coq! Te souviens-tu au moins de quelques prénoms ?  Elle aurait pu te séduire mais elle a fait l'erreur fatale de ne pas mentionner ton recyclage réussi de la philosophie à l'anglais au moment de l'accueil du personnel.  Et ton retour après trois ans d'études à l'université Concordia. Tu lui as fait payer très cher cet oubli volontaire et non professionnel. 
Santé Philaminte ! Nous aimions votre parfum Célimène. Vous auriez trouvé une grande douceur à régner. Et, majesté, nous aurions pu être vos hommes-lige. Vous n’avez pas su  comment vous y prendre. Dans tout rebelle, n’y a-t-il pas un soumis qui sommeille et qui veut la sainte paix. Nous aurons pu, un genoux à terre, déposer notre épée sur les cuisses de sa Majesté.
G. Arrête avec tes métaphores. Elle a de belles jambes n’est-ce pas et tu le lui as dit. Tu regrettes quoi au juste ! Avions-nous le choix. Nous devions être des warriors. C’était notre destin.  
B. Elle t’a traité de cancer ! Elle a dit plusieurs fois que nous voulions détruire le collège ! Que nous étions des mécréants. On ne pouvait pas accepter la privatisation de la cafétéria ni le détournement de ressources réservées à l’enseignement. Tout ce qui est arrivé est de ta faute avec ton fameux tableau sur l’examen de reprise qui les ridiculisait complètement. Et c’est toi qui as écrit dans le rapport d’évaluation du directeur des études : il faisait la belle devant sa souveraine. C’était provocateur et tu le savais. Quand tu as lu en public devant trente-cinq enseignants notre évaluation du directeur des études, c’était une déclaration de guerre. On aurait entendu une mouche voler. Nous avons quand même raté une belle occasion de fraterniser ! Par principe, il faut préférer l’amitié à la guerre, n’est-ce pas !
G. Le coup de foudre n’a pas eu lieu. Santé le Littéraire!  
B. Pourtant, nous n’avons qu’une vie à vivre... Santé   l'Irlandais! 
Tu sais ce que Montaigne a écrit: Il n'est si homme de bien, qu'il mette à l'examen des lois toutes ses actions et pensées, qui ne soit pendable dix fois en sa vie, voire tel qu'il serait très grand dommage et très injuste de punir et de perdre. (Essais III,3) Donc, je ne la condamne pas.
G. Nous avons tenu tête. Elle était tellement habituée à dominer. Et nous avons gagné.
B. Levons nos verres à la lutte que nous avons menée, à notre victoire et à son échec.
G. Levons nos verres à nos deux amis disparus !
B. A la courageuse Lise Latraverse, une femme digne  décédée d'un cancer.
G. A notre ami Daniel Lussier, le Syndicaliste, le compétent, décédé d'une crise cardiaque.
B. Ils n'avaient pas 57 ans. Quelle tristesse. Je pense à Daniel Lussier presque tous les jours.

G. O proud Death ! Now cracks a noble heart. Good-night, sweet prince, And flights of angels sing thee to thy rest ! (Hamlet)  
O mort orgueilleuse ! 
Voilà que se brise un noble coeur.
Bonne nuit, aimable prince,   
Et que des vols d’anges bercent par leurs chants ton sommeil.  
B.The rest is silence.
G. Et le reste est silence. 
( 31 mars 2008- 16 septembre 2017)  


aire de repos
Changez tout (chanson de Michel Jonasz) (sur Youtube)
Je veux aller où l’air est plus doux,
Où la colombe vole en-dessous
Où le printemps entre un jour comme un fou
Vous saisit au revers
Au détour d’un chemin vert
Et vous dit : ça va pas comme ça.
Changez tout, changez tout
Vot’monde ne tient pas debout
Changez tout, changez tout, changez tout .
Je veux aller dans l’après-midi
D’un jour où rien n’est interdit,
Où le bonheur, sans faire de comédie
Vous salue sans manières
Et vous parle à coeur ouvert
Et vous dit "qu’est-c’que t’as bien fait
D’changer tout, changer tout.
Pour une vie qui vaille le coup,
Changez tout, changez tout, changez tout.


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