samedi 23 juin 2018




Robert Barberis-Gervais


Gibelotte en compagnie de Montaigne (version finale 27 mai 2018)  

essais hybrides

Table des matières
 
prologue  
 
tout en douceur
 
introduction: autoportrait 
 
au lecteur 
 
ce qui s'est vraiment passé dans un collège de la Rive-Sud  
 
intermède: mise en contexte juridique; acteurs et actrices  
 
Confidences d'une femme trahie
 
Intermède: en vacances aux Eboulements
 
C'est la faute à Montaigne
 
Gibelotte: remarques sur le vocabulaire, les personnages et les circonstances
 
Epilogue
 
Conclusion: de l'insoumission, condition de la liberté
 
Lettres fictives de réactions à la Gibelotte et répliques du Littéraire
 
critique parue dans le journal local
 
Appendice
 
Chronologie et 21 documents
 
aires de repos
 
les vrais acteurs et actrices: noms propres
 
résumé

Récapitulons
 
table des matières
 
l'auteur
 
  
«Montaigne est le plus parfait écrivain que le monde ait produit. Je le lis chaque semaine, à la façon dont les gens lisent la Bible, pas très longtemps ; j’ouvre mon Montaigne, lis une page ou deux, au moins une fois par semaine, pour le plaisir, comme ça. Pour moi, il n’y a pas de plus grande joie au monde. En français, pour le plaisir d’être en sa compagnie. Ce n’est pas tellement pour ce qu’il raconte, mais c’est un peu comme d’attendre un ami, vous savez. Pour moi, c’est quelque chose de merveilleux, de très cher. J’ai de l’affection pour Montaigne. C’est un grand ami de ma vie.»
Orson Welles

« Il n’y a qu’un seul écrivain que je place au même rang que Schopenhauer pour ce qui est de la probité, et je le place même plus haut, c’est Montaigne. Qu’un pareil homme ait écrit, véritablement la joie de vivre sur terre s’en trouve augmentée."  
Friedrich Nietzsche, 1874





prologue
Ce prologue exprime le point de vue de ma conjointe qui était aux premières loges de  l'histoire vécue par l'auteur et ses amis du syndicat des professeurs du collège de Sorel-Tracy.  Le 3 juillet 2015, nous avons fêté notre 50è anniversaire de mariage. Je compte sur le lecteur ou  la lectrice (je ne vous oublie jamais mesdames…) pour comprendre ce qui s’est passé. Dans un monde où l’hédonisme et l’individualisme des libertariens prennent beaucoup de place, vous êtes invité à être le complice de militants qui croient en certaines valeurs: la liberté d’expression, la liberté syndicale et le droit à l’engagement politique. L’auteur a pris un surnom: le Littéraire.  Aux féministes qui sont nombreuses dans les comités de lecture des éditeurs, je dis que nos adversaires étaient des femmes qui ont abusé de leur pouvoir. Il se peut que cela vous contrarie mais c’est comme ça. N’en faites pas une affaire personnelle.    RBG 

Mon cher Littéraire,

Tu m'as demandé d'écrire un mot d'introduction à ton livre où je pourrais  donner mon point de  vue. Je le fais avec plaisir puisque ça me donnera l’occasion de repenser à ce que nous avons vécu.  Après   La fin du mépris (1978), Les Illusions du pouvoir (1981, (en collaboration avec Pierre Drouilly dont je salue la mémoire) et La rencontre (1988) qui est une partie de ta thèse de doctorat  soutenue à l’Université Laval de Québec, voici  Gibelotte en compagnie de Montaigne.  Tes récits sont autobiographiques: ça raconte ta vie et il s'en dégage un autoportrait. Moi qui te connais bien, je peux dire que le portrait est réussi.  C'est bien toi et qui veut te connaître ferait bien de lire ta gibelotte.
J’ai écouté jour après jour pendant sept ans, de 1997 à 2003, le récit de tes démêlés avec Françoise Richer, la  directrice générale de ton collège et une libérale.  Je peux donc en parler.  Ces désaccords se sont corsés quand des femmes à la direction de ton collège ont décidé d’intenter deux poursuites en diffamation de 80,000$ et 170,000$ contre ton syndicat et toi-même. Etait-ce une manière spécifiquement féminine de gouverner?  En tout cas, le mythe de l'empathie féminine en a pris un coup. Il faut croire que vous les dérangiez: il fallait vous neutraliser et même vous faire taire. J'ai trouvé ces femmes belliqueuses et maladroites.  Elles ont été présomptueuses.  Car vous avez été de rudes adversaires. Ces femmes étaient de piètres stratèges, trop émotives (c'est une femme qui le dit) et pas du tout perspicaces. En tout cas, elles ont réussi à vous motiver. Moi, j'attendais ton retour du collège pour écouter tes récits saupoudrés de citations de Montaigne.
Quand une poursuite n'a pas de fondements solides, on dit qu'elle sert à intimider et à faire taire un adversaire. On appelle ça une poursuite-baillon. Ces femmes de pouvoir pouvaient-elles gagner contre des militants syndicaux coriaces et pugnaces dont l'engagement  s’exprimait avec humour, culture, indépendance d’esprit et un panache digne de Cyrano de Bergerac? Toi et ton ami Pierre Girouard de St-Ours, vous aviez bien du plaisir quand vous vous rencontriez  le matin dans le local syndical pour choisir une citation dans les Essais de Montaigne que vous placiez en exergue de vos écrits syndicaux que vous distribuiez à tous les employés du collège. 

Il y a eu du stress et des tensions. Surtout à cause de certains enseignants qui manoeuvraient contre vous dans les assemblées syndicales et dans le département de français. C’était une petite minorité.  Elle vous compliqua quand même la vie. Heureusement, l'écrasante majorité de vos confrères bien informés les neutralisa: ils durent piteusement battre en retraite. Quand tu parles de cette minorité, ce sont les seuls passages amers du livre. Mais il ne faudrait pas dramatiser car, somme toute, vous vous êtes bien amusés. Et j’en ai été le témoin.  Je ne fais rien sans gaieté  a écrit Montaigne. Ce pourrait être votre devise. Avec cette autre règle de conduite qui est comme votre devise exprimée par to outfox, ce qui  veut dire être plus malin que les adversaires: avec le renard comme emblème.  
Certains collègues  partisans du double-emploi qui tenaient à augmenter leurs revenus en donnant des cours à l'éducation des adultes ont accusé le syndicat des enseignants d’aimer la chicane. Ils ne lisaient malheureusement pas vos textes d'information. Ils ont compris plus tard, après ta retraite prise en 2005, avec les explications de ton ami Pierre Girouard, les enjeux de vos luttes et la nécessité de tenir tête. La directrice voulait soustraire plus de 4 profs  (4.2 ETC, enseignants temps complet) aux ressources à l'enseignement: c'était inadmissible.  Tu aimes la joute. C'est bien différent que d'aimer la chicane. Cela vient de ton amour du sport. Dans le sport, il y a une compétition, un gagnant et un perdant. Les perdants se consolent de façon pitoyable en disant que l'important, c'est de participer. Pour vous, ce fut une joute. Et vous avez gagné.
Votre opposition a commencé quand la nouvelle directrice  a voulu faire payer le stationnement autour du collège. Les étudiants et les enseignants se sont entendus avec le propriétaire du centre d'achat situé à côté du collège pour utiliser son vaste stationnement. Ce fut le premier affrontement. La directrice finit par imposer, non sans difficulté, son système de vignette pour un stationnement payant.

Le deuxième conflit porta sur le projet de privatisation de la cafétéria. Tu racontes les péripéties de l'affrontement que vous avez gagné.  A un moment donné, le Directeur de l’équipement a dit :  Arrêtez, elles n’en peuvent plus.  J’ai beaucoup aimé les citations qui accompagnent le récit. Je me souviens de cette citation de Montaigne dans un numéro du bulletin d’information syndicale appelé « l’Huissier » que j’ai devant moi:
Nous devons la sujétion et l’obéissance à tous rois, car elle regarde leur office : mais l’estimation, non plus que l’affection, nous ne la devons qu’à leur vertu. Donnons à l’ordre politique de les souffrir patiemment indignes, de celer leurs vices, d’aider de notre recommandation leurs actions indifférentes pendant que leur autorité a besoin de notre appui.
Pour vous, la directrice générale et l'avocate directrice des ressources humaines étaient indignes et ne méritaient ni estime ni affection. Vous y alliez fort avec de telles citations.  C'est à cette occasion qu'on t'a appelé Le Littéraire
Il y a eu aussi cette autre citation de la Princesse de Clèves où Madame de Lafayette ironise sur Catherine de Médicis qui est l’épouse d’Henri II qui a eu pendant vingt ans une maîtresse très voyante, Diane de Poitiers, duchesse du Valentinois, qui faisait la loi.  L’humeur ambitieuse de la Reine lui faisait trouver une grande douceur à régner.  Belle ironie envers quelqu’un que vous avez combattu pendant sept ans et que vous avez empêché de régner.  Vous l’appeliez la Directrice  Sa Majesté la Reine  et vous aviez nommé son bureau :  le Carré Royal  du nom d'un parc au centre de Sorel.  Pour désigner ses abus de pouvoir, le nom  d’Ubu Reine  est sorti de votre sac à malices. Il y avait de quoi rire dans les corridors et sa majesté, avec raison, ne décolérait pas. Elle vous voyait dans ses cauchemars. Il lui a  fallu l'aide d'un avocat retors  et des tribunaux dont on ne sait jamais à quoi s'attendre et qui sont d'une lenteur capable d’user les patiences.. Ce faisant, elle ne respectait pas les règles du jeu syndical-patronal. Elle manquait de fair-play et même d'éthique.
J’ai particulièrement apprécié le chapitre intitulé:  Les confidences d’une femme trahie  où toute l’histoire est racontée en respectant la chronologie et du point de vue de la directrice. On lit ça et on se dit que, peut-être, la Françoise a eu raison de vous tenir tête. C’est le chapitre le mieux réussi qui se lit comme un roman. Je peux me vanter de te l'avoir inspiré car je préfère les romans à l'essai. D'ailleurs, tu aurais dû écrire tout ton livre comme ce chapitre. La directrice croit qu'elle a été trahie par le Conseil d'administration du Collège qui, de guerre lasse, après le retrait des poursuites, a cessé de l'appuyer. Comme j'ai eu beaucoup d'information au jour le jour sur ce qui se passait réellement à ton collège, la directrice fictive n'a pas réussi à me convaincre qu'elle avait raison. Surtout à propos du point de départ de tous  les conflits: elle avait tort de vouloir privatiser la cafétéria, c'est la diététiste qui parle.

Après ces poursuites injustifiées qui ne réussissaient pas à vous faire taire, vint le moment où la Directrice générale dépassa les bornes de la décence.    Au début de ton cours de l'après-midi, deux adjointes au directeur des études sont entrées dans ta classe, ont interrompu sans avertissement ton cours devant tes élèves qui n'en croyaient pas leurs yeux et t'ont demandé de te rendre dans le bureau du Directeur des études.  Tu as immédiatement demandé au président du syndicat de t'accompagner. Le Directeur des études t'a expliqué que cette intervention était rendue nécessaire à cause d'une plainte.   
Après le cours, à la cafétéria, tu as demandé à un élève ce qui s'était passé.  Les femmes cadres ont fait remplir à chaque élève un questionnaire. Voici le genre de questions qui étaient posées.  Est-ce que votre professeur suit son plan de cours? Quand il s'adresse à vous, est-ce qu'il le fait avec respect? Est-ce qu'il critique la direction du collège? Qui vise-t-il exactement et que dit-il au juste? Est-ce qu'il donne des cours magistraux? Répond-il à vos questions? C'était un questionnaire d'évaluation ni plus ni moins… après trente ans d'enseignement... 
Tu as appris que le même questionnaire serait passé dans tes deux autres classes le lendemain. Tu as passé une nuit blanche. Tu étais vraiment inquiet.  Le lendemain, tôt le matin, quand tu es arrivé au collège, une secrétaire t'intercepta et te demanda de te rendre immédiatement au bureau du Directeur des études. Celui-ci t'informa que le questionnaire ne serait pas passé dans tes deux autres classes. Pourquoi n'ont-ils pas suivi le complot initial?  Parce que les réponses colligées dans ta première classe permettaient de conclure que la plainte n'était pas fondée, que tes élèves t'appréciaient, que tu réussissais à leur faire aimer la littérature et que, somme toute, tu étais un bon professeur. C'est ce que le directeur des études t'a expliqué.  
Tu as demandé au Directeur des études de mettre cette évaluation élogieuse par écrit ce qu'il fit un peu plus tard.  Tu as appris par la suite que tes élèves s'étaient montrés agressifs avec les femmes cadres: Mettez-lui donc des menottes la prochaine fois quant à y être. On vous avertit que si notre professeur n'est pas de retour en classe dès lundi, ça va barder. Merveilleux élèves qui étaient solidaires de leur professeur et qui n'avaient pas fait volontairement de réponses compromettantes au questionnaire tendancieux qui leur fut soumis. Car ils auraient pu te nuire sans le vouloir. Mais tu leur avais quand même parlé de l'hostilité de la Direction du collège. Ils étaient donc au courant et ils comprirent le but du questionnaire. Ils ne tombèrent pas dans le piège tendu.
C'était vicieux comme démarche, une démarche que n'approuvait pas, au fond, le Directeur des études, qui recula juste à temps car les conséquences auraient pu être fâcheuses pour les auteurs du complot.

Ce fut le commencement de la fin pour la directrice responsable de cette invasion de ta classe. C'est à ce moment que le directeur des études qui avait été jusque-là soumis à toutes les demandes de la directrice eut un sursaut de conscience et la laissa tomber. Il se chercha un emploi ailleurs. Et il en trouva un dans l'Outaouais. Elle avait été trop loin dans le harcèlement et l'abus de pouvoir dans le dessein d'écraser son adversaire.  Cela se retourna contre elle.
Après cet étonnant faux-pas, tu racontes la lente chute de la directrice. Après une entente hors Cour et le retrait des poursuites, le Conseil d'administration du Collège cessa d'appuyer la directrice générale qui voulait exercer des représailles suite à un texte-bilan du conflit rendu public par le syndicat des enseignants. Il est vrai que la description par écrit et distribuée à tout le personnel des méthodes utilisées par ces femmes de pouvoir était dévastatrice pour elles.  
Puissiez-vous, lectrice, lecteur, partager le contentement qui accompagne la victoire des valeureux enseignants qui ont fait mordre la poussière à des femmes machiavéliques, adversaires invétérées de l'auteur de La clique des Simard à Paul Desrochers, qui appliquaient le principe immoral de la fin justifie les moyens et qui faisaient partie de la clique libérale de Ste-Anne-de-Sorel. Elles ont contredit sans aucun doute possible le discours féministe  sur l'exercice du pouvoir par les femmes qui seraient meilleures et plus empathiques que les hommes. 
Vous leur avez donné une leçon d'humilité et d'humanité. Vous avez refusé de vous laisser asservir et de vous soumettre.  Votre expérience est une belle illustration de ce que disait le stratège et homme d'Etat athénien Périclès: «Il n’est point de bonheur sans liberté, ni de liberté sans courage». Et j'ajouterais qu'il n'est point de bonheur sans littérature et sans Montaigne.   
Marcelle Viger, Vieux-Longueuil, 20 septembre 2017-27 mai 2018 

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